VL#1 De la perspective, néo-Charon et une déclaration d’amour rigolote à la Renaissance
Hello par ici !
J’y réfléchissais en début d’année et, comme je viens de terminer mes premières corrections sur un manuscrit, la période d’entre-deux me fait dire que c’est le bon moment. Le bon moment pour quoi ? Pour inaugurer une nouvelle rubrique, pardi !
Je pense en avoir déjà parlé au fil du blog : les jeux, plus précisément l’expérience ludique est très importante pour moi. Tout comme le 7e art, jouer me nourrit en matière de création. Les jeux vidéos en particulier, avec leur richesse en matière de scénarisation, de gameplay, d’images et de sons, n’ont cessé d’être une source d’inspiration en écriture (à tel point que je cherche à mêler de plus en plus mes deux « amours », la littérature et le jeu).
De temps à autre, je viendrai donc consigner ici ce qui m’a plu, surprise, enthousiasmé dans mes voyages ludiques (les VL). Noter ce qui pour moi fait l’intérêt des jeux en tant qu’objets créatifs. Je ne vais pas essayer d’être régulière (vous commencez à me connaître :D) ou même de vous parler exclusivement de sorties récentes. J’ai juste envie de faire plus de place aux jeux sur ce blog, et le faire avec des mots puisque c’est avec eux que je me sens le mieux 🙂
Superliminal
Superliminal a un scénario qui ressemble plus à un prétexte qu’autre chose. Le personnage que l’on incarne est coincé dans un sommeil provoqué, et l’idée est donc de trouver un moyen de se réveiller. On se retrouve donc à parcourir un complexe (avec des salles qui ressemblent tantôt à un hôtel, des coulisses de studio cinéma, des locaux de bureau, etc.) à l’étrangeté légère rappelant celle des rêves. Niveau ambiance, un petit air de Stanley Paradox, avec une voix off qui vient ponctuer nos errements oniriques de commentaires sensés marquer la progression du récit (à vrai dire, après une heure de jeu, on ne fait plus trop attention à ce qui est raconté).
L’intérêt de Superliminal se situe à mon avis non dans son scénario, mais dans son gameplay. Les énigmes (car c’est un jeu d’énigmes) reposent sur les illusions visuelles et la perspective (ex: une pomme peut subitement se retrouver géante simplement parce qu’on la place d’une certaine façon par rapport à la caméra) qui m’ont fait penser à une BD humoristique (Imbattable, de Jousselin), mises en valeur par une direction artistique très sobre (textures unies, musique d’ascenseur). Le game design traduit assez bien l’errance d’un esprit piégé dans un rêve qui se fait peu à peu angoissant.
Ce que je retiendrai de Superliminal, c’est comment une idée toute simple, épurée, peut receler une grande force qui va pousser le joueur à progresser dans son expérience.
Spiritfarer
Spiritfarer est un jeu de gestion au background atypique. Il se trouve que Charon vous a confié la charge, vous Stella, de le remplacer dans sa tâche de passeur d’âmes. Et donc, nous voilà partis pour un long voyage dans un archipel onirique, voguant sur des flots à l’aide d’une barque aux allures de paquebot, tant ses quartiers pourront évoluer au gré de nos rencontres, des besoins de nos passagers et de nos aventures merveilleuses.
Si Spiritfarer a quelque chose d’atypique d’après moi, ce n’est pas forcément pour son univers et ses graphismes (aux légers accents japonisants), ou même pour les quêtes que l’on a à remplir afin de satisfaire nos passagers (un objet ou une personne perdue à retrouver, une évolution de bâtiment à atteindre, etc.), non. Son atypisme selon moi se situe plutôt dans son rythme, sa lenteur assumée. Tout dans Spiritfarer vous murmure que « l’important n’est pas dans le but à atteindre, mais dans le chemin à parcourir ». Comme dans d’autres jeux de gestion, on répète plusieurs dizaines de fois la même action, on s’occupe de nos vaches, on tond nos moutons, on tisse, on coud, on sème, on mine. On cuisine, on bâtit, on chante pour nos plantes, on plonge, on brise la glace, on s’élance dans les airs pour récolter des étoiles… mais aussi et surtout, on parle, on se prend dans les bras, on rassure, on prend le temps d’écouter les histoires de chaque âme que l’on accompagne, parce que c’est ça qui compte, et non le bout de la route. D’ailleurs, c’est un éternel recommencement ; quand une âme part, d’autres sont accueillies sur le bateau.
Ce que je retiendrai de Spiritfarer, c’est qu’un gameplay (ou un récit) n’a pas besoin d’imposer un rythme effréné pour accrocher le joueur (ou le lecteur). L’attachement aux personnages, leur histoire personnelle et notre voyage en leur compagnie sont plus importants.
The Procession to Calvary
On va l’appeler TPC, parce que j’aime bien les acronymes !
TPC est un jeu vidéo (sinon je n’en parlerai pas ici) d’un certain Joe Richardson, déjà connu pour d’autres jeux d’aventure point & click du même genre (Four last things, par exemple). Mais TPC, c’est aussi le titre d’une peinture du XVIe siècle de Brueghel, et l’éponyme n’est pas là par hasard, vous vous en doutez.
TPC est un hommage hurlant aux œuvres de la Renaissance et à l’art Monty Pythonesque (je devrais même dire, Terry Gilliamesque) du découpage et collage humoristiques. On se promène dans des tableaux animés sous les traits d’une femme en armure tout droit tirée d’un Rembrandt, et l’aventure nous laisse choisir comment accomplir notre quête : occire Pierre le Divin, ancien maître de ce monde. On peut se la jouer pacifique, ou massacrer à tour de bras pour atteindre notre but, c’est selon. Dans tous les cas, le quatrième mur volera souvent en éclat pour votre plus grand plaisir, et en sus, vous aurez de la jolie musique (classique) dans les oreilles pour vous tenir compagnie.
TPC est très court, mais ça n’en diminue pas son intérêt. Richardson est un développeur indé touche-à-tout qui aime fignoler ses créations seul dans son coin (une vraie prouesse) et célébrer son amour pour l’absurde. Et ça se sent. Ses jeux sont de pures déclarations d’amour, parfois grinçantes, parfois sanglantes, et qu’importe puisqu’elles sont capables de nous émerveiller et de nous faire rire à répétition.
Ce que je retiendrai de TPC, c’est qu’une œuvre faite avec sincérité et amour de l’art finira toujours par trouver son public (un public peut-être un peu bizarre, parce que tout de même, il rigole quand on tranche des têtes et charme des putois en les nourrissant de cloportes… mais ça reste un public tout à fait respectable 😀 ).
J’espère que cette brève virée dans le monde des jeux vidéo vous donnera envie d’en découvrir à votre tour, et je vous dis à bientôt (pour Montreuil avec Mélo-Méli, ou ailleurs !)